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Cyberbulletin officiel de l'Office des personnes handicapées du Québec

Volume 17 - numéro 1 - Mai 2023

NOUVELLES DE L'OFFICE

Élargissement de l’aide médicale à mourir : participation de l’Office en commission parlementaire

Projet de loi numéro 11, audition.

Le 15 mars dernier, Daniel Jean, directeur général, Frances Champigny, présidente du conseil d’administration et Maxime Bélanger, directeur du Secrétariat général, communications et affaires juridiques, ont présenté en commission parlementaire le mémoire de l’Office sur le projet de loi no11. Ce projet de loi modifie la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives. Il vise à donner suite à la majorité des recommandations de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie.

Rappelons que l’Office avait aussi participé à cette commission en 2021. Nous avions alors émis plusieurs recommandations visant essentiellement à trouver un juste équilibre entre le droit à l’autodétermination des personnes handicapées et la protection des personnes les plus vulnérables. Nos recommandations sur le projet de loi no 11 vont dans le même sens. Express-O vous présente un résumé de notre mémoire.

Un appui global

L’Office appuie globalement le projet de loi, car il porte sur des sujets qui ont fait l’objet d’un large débat et qui ont fait consensus. Nous appuyons ainsi deux aspects majeurs du projet de loi :

  1. l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude à consentir aux soins;
  2. le non-élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème médical est un trouble mental.

Des recommandations concernant le « handicap neuromoteur grave et incurable »

Nos principales préoccupations sont en rapport avec l’introduction dans la Loi du « handicap neuromoteur grave et incurable ».

Le  projet de loi modifie la Loi pour inclure expressément les personnes ayant un « handicap neuromoteur grave et incurable ». Celles-ci pourront dorénavant demander l’aide médicale à mourir si elles répondent à toutes les autres conditions d’admissibilité de l’aide médicale à mourir (voir encadré).

Nous considérons que cette introduction du « handicap neuromoteur grave et incurable » soulève des enjeux importants qui méritent d’être examinés.

Premièrement, le terme « handicap neuromoteur grave et incurable » n’est pas défini par le projet de loi. Il n’existe aucun renvoi à ce terme dans le corpus législatif québécois. S’il n’est pas défini clairement dans la Loi, ce terme pourrait être sujet à des interprétations diverses.

Pour éviter toute divergence dans l’interprétation de ce terme, nous recommandons que l’on précise dans la Loi ce qu’on entend par « handicap neuromoteur grave et incurable » ou que l’on mandate la Commission sur les soins de fin de vie pour le faire. À notre avis, il faudrait tout au moins dresser la liste des diagnostics auxquels ce terme renvoie.

Les critères d’admissibilité de l’aide médicale à mourir

L’article 26 de la Loi énonce les six conditions essentielles auxquelles une personne doit satisfaire pour obtenir l’aide médicale à mourir :

  1. elle est une personne assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie (chapitre A-29);
  2. elle est majeure et apte à consentir aux soins;
  3. elle est en fin de vie (la décision de la Cour supérieure du Québec en 2019 dans la cause Truchon-Gladu a rendu inopérant ce critère de « fin de vie »;
  4. elle est atteinte d’une maladie grave et incurable;
  5. sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
  6. elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge tolérables.

La personne doit, de manière libre et éclairée, formuler pour elle-même la demande d’aide médicale à mourir au moyen du formulaire prescrit par le ministre. Ce formulaire doit être daté et signé par cette personne.

Le formulaire est signé en présence d’un professionnel de la santé ou des services sociaux qui le contresigne et qui, s’il n’est pas le médecin traitant de la personne, le remet à celui-ci.

Deuxièmement, le projet de loi ne vise qu’un segment de la population des personnes handicapées par l’élargissement de l’accès aux personnes ayant un « handicap neuromoteur ».

L’Office ne dispose d’aucune donnée démontrant que ce groupe présente des caractéristiques particulières qui les différencient des autres personnes handicapées ayant d’autres types d’incapacités.

Selon nous, cibler ainsi un groupe spécifique pourrait être discriminatoire et donner ouverture à des recours devant les tribunaux. D’où l’importance de mettre l’accent d’abord sur les autres critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir plutôt que sur le « handicap » ou la « maladie ».

Nous saluons cependant la volonté du législateur de prendre en compte la réalité des personnes handicapées dont la condition entraîne des souffrances constantes et insupportables qui ne peuvent être apaisées dans des conditions que ces personnes jugent tolérables.

Nous comprenons aussi qu’il veuille procéder avec prudence avant d’élargir davantage l’accès à l’aide médicale à mourir. Cette façon de faire permet de mieux gérer les risques et de protéger les personnes plus vulnérables.

Des réflexions à poursuivre et des travaux à mener

Nous voyons que la question de l’accès à l’aide médicale à mourir est un sujet complexe et qui évolue. Il faut poursuive la réflexion et mener des travaux.

En ce sens, nous recommandons :

  • de poursuivre la réflexion sur l’élargissement éventuel de l’aide médicale à mourir à l’ensemble des personnes handicapées incluant éventuellement celles dont le seul problème médical est un trouble mental;
  • de produire annuellement des données sur les personnes handicapées demandant l’aide médicale à mourir (l’ayant reçue ou pas) en prenant en compte les données socio-économiques et les services dont elles ont bénéficié;
  • de mettre sur pied un groupe d’experts chargé d’étudier les besoins de l’ensemble des personnes handicapées en ce qui concerne l’aide médicale à mourir, d’y associer l’Office ainsi que des représentants des personnes handicapées.

Création d’un groupe d’experts sur la notion de « handicap neuromoteur »

Cette dernière recommandation a d’ailleurs été retenue. La création d’un groupe d’experts a été annoncée par le gouvernement le 6 avril dernier. Ce groupe aura notamment comme mandats :

  • de définir le terme « handicap » et le terme « handicap neuromoteur »;
  • d’émettre un avis à savoir si des préjudices pourraient être induits en conservant le terme neuromoteur dans le projet de loi 11;
  • de proposer et de définir, au besoin, tout autre terme à utiliser pour soutenir le droit à l'autodétermination des personnes;
  • de produire un rapport quant aux termes à privilégier;
  • de déterminer si des balises doivent être mises en place, quel que soit le terme retenu, dans le contexte de l'élargissement de l'admissibilité aux personnes ayant un handicap. Le cas échéant, d’émettre des recommandations sur ces balises.

Les personnes qui formeront le groupe ont été sélectionnées selon leur expertise ou expérience significative. La composition a été choisie avec l’accord des ordres professionnels et des groupes invités en consultations particulières du projet de loi 11. L’Office siégera à ce comité.

Les travaux du groupe d’experts se dérouleront en parallèle des travaux parlementaires sur le projet de loi 11. Le groupe déposera son rapport final en mai 2023. Ce rapport permettra de soutenir la réflexion et la prise de décision des membres de la Commission.

Pour en savoir plus sur le mandat du groupe d’experts et sa composition, consultez le communiqué Aide médicale à mourir - La ministre Sonia Bélanger dévoile la composition du groupe d'experts qui se penchera sur la notion de handicap neuromoteurCe contenu Web externe, qui s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre, peut comporter des obstacles à l'accessibilité puisqu'il est hébergé dans un autre site Web..

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