Au Québec, différentes lois ou orientations gouvernementales ont été adoptées afin de refléter la volonté de la société québécoise de favoriser la participation sociale des personnes handicapées dans une perspective de droit à l’égalité. Malgré l’absence d’une législation ou d’une règlementation spécifique à l’accessibilité des espaces publics extérieurs, il importe que cette volonté s’actualise dans des initiatives et de bonnes pratiques par l’ensemble des acteurs qui disposent de responsabilités en matière d’aménagement du territoire, en tenant compte des obligations légales et orientations gouvernementales suivantes.
En vertu du droit à l’égalité, tel que défini par la Charte des droits et libertés de la personne (la Charte), les municipalités, de même que tout ministère ou organisme public ayant des responsabilités en matière d’aménagement du territoire, doivent s’assurer de l’accessibilité des espaces publics extérieurs ou offrir, sur une base individuelle, des mesures d’accommodement raisonnables. L’article 10 de la Charte énonce que : « toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur […] le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap »[1]. De plus, l’article 15 spécifie que « nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d'avoir accès aux moyens de transport ou aux lieux publics […] et d'y obtenir les biens et les services qui y sont disponibles »[2].
La Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (la Loi) a été adoptée 1978 et revisée en 2004 afin de créer les conditions nécessaires à un véritable exercice du droit à l’égalité. Elle vise notamment les municipalités de même que les ministères et organismes publics relativement à leurs responsabilités à l’égard des personnes handicapées en instaurant différentes obligations légales.
Ainsi, en vertu de l’article 61.1, les municipalités de 10 000 habitants et plus de même que les ministères et organismes publics qui emploient au moins 50 personnes doivent produire un plan d’action annuel à l’égard des personnes handicapées. Celui-ci doit identifier les obstacles à l'intégration des personnes handicapées dans les secteurs d'activité relevant de leurs attributions et décrire les mesures envisagées dans la prochaine année afin de les réduire. Il doit également comprendre un bilan qui rend compte des mesures prises au cours de l’année qui se termine. Pour les municipalités assujetties, ceci permet de planifier et de faire connaître leurs actions visant à rendre accessibles les aménagements extérieurs sur leur territoire. Les plans d’action annuels à l’égard des personnes handicapées constituent un levier porteur pour planifier des mesures à portée inclusive qui favorisent l’aménagement de parcours sans obstacles pour tous, réduisant ainsi le besoin de recourir à des mesures d’accommodement raisonnables en faveur de certaines personnes présentant des besoins spécifiques.
L’ensemble des municipalités, incluant les municipalités régionales de comté (MRC), de même que les ministères et organismes publics doivent également tenir compte de l’accessibilité aux personnes handicapées dans leurs processus d’approvisionnement lors de l’achat ou de la location de biens et de services, tel qu’édicté à l’article 61.3 de la Loi. Il s’agit donc pour ces organisations de se questionner à propos de l’accessibilité, de la convivialité et de la facilité d’utilisation par les personnes handicapées, peu importe leur type d’incapacité, des produits et des services qu’elles acquièrent.[3]
À propos des politiques d’approvisionnement accessible
L’adoption d’une politique d’approvisionnement accessible par les organisations assujetties à l’article 61.3 est fortement suggérée pour assurer l’accessibilité des produits et services qu’elles acquièrent. Il s’agit également d’une façon proactive de respecter ses obligations légales.
Une politique d’approvisionnement accessible est un document interne qui complète la politique d’approvisionnement d’une organisation et qui la conduit à poser des gestes concrets tels l’achat et la location de biens et services qui pourront être utilisés par le plus grand nombre possible de personnes sans devoir recourir, a posteriori, à des adaptations spécifiques. Une fois adoptée par l’organisation, il est de son devoir de la faire connaître auprès de l’ensemble des directions concernées.
Les autorités organisatrices de transport (AOT) assujetties à l’article 67 de la Loi doivent quant à elles faire approuver par le ministre des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports un plan de développement visant à assurer, dans un délai raisonnable, le transport en commun des personnes handicapées sur son territoire. Ces plans de développement doivent proposer des solutions aux obstacles rencontrés par les personnes handicapées de façon à favoriser une utilisation similaire des services par tous les usagers. Les plans de développement des AOT doivent être réalisés en étroite collaboration avec les instances municipales afin d’assurer une cohérence entre les plans d’action ou les initiatives des municipalités et les plans de développement des AOT puisque l’accessibilité des infrastructures de transport en commun est essentielle lorsqu’il est question d’aménager des parcours sans obstacles dans les espaces publics extérieurs.
La politique gouvernementale À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité (la politique À part entière) engage l’ensemble de la société québécoise à relever le défi d’une société plus inclusive. L’aménagement d’environnements accessibles constitue d’ailleurs une de ses priorités d’action qui contribue à l’atteinte du résultat attendu d’assurer une réponse complète aux besoins essentiels des personnes handicapées. Cette réponse aux besoins essentiels implique notamment d’offrir aux personnes handicapées la possibilité de se déplacer sans contraintes supplémentaires d’accessibilité, de temps et de coût, peu importe le lieu et le moyen utilisé.
La politique À part entière met également de l’avant l’approche inclusive qui suppose de prévoir, dès la conception, un environnement physique et social qui tient compte des besoins de l’ensemble de la population, incluant ceux des personnes handicapées et de leur famille. Selon cette approche, qui s’apparente à la notion d’accessibilité universelle, ce n’est pas aux personnes à s’adapter à des environnements qui ne sont pas conçus pour elles, mais plutôt à la société de tenir compte de la diversité des citoyens qui la composent. L’approche inclusive n’implique pas l’abandon des mesures adaptatives qui seront toujours nécessaires pour offrir une réponse personnalisée et adaptée à certains besoins particuliers. Toutefois, l’approche inclusive permet de réduire la nécessité de recourir à ce type de mesures et de diminuer les dépenses supplémentaires souvent requises et parfois très élevées pour corriger, a posteriori, une situation problématique.[4]
Les instances municipales et les AOT sont donc fortement encouragées à appliquer l’approche inclusive dans leurs processus décisionnels et à prendre en considération les éléments proposés dans ce recueil afin de permettre un usage similaire des espaces publics extérieurs par l’ensemble de la population.
La Loi sur les compétences municipales s’applique aux municipalités locales et aux municipalités régionales de comté, à l’exception des villages nordiques, cris ou naskapi. Elle leur accorde des pouvoirs qui leur permettent de répondre aux différents besoins municipaux, dans l’intérêt de leur population.
L’article 66 de cette loi confère aux municipalités locales des compétences en matière de voirie sur les voies publiques dont la gestion ne relève pas du gouvernement du Québec ou de celui du Canada, ni de l’un de leurs ministères ou organismes. À noter que dans le cadre de l’application de la Loi sur les compétences municipales, une voie publique inclut les routes, chemins, rues, ruelles, places, ponts, voies piétonnières ou cyclables, trottoirs ou autres voies qui ne sont pas du domaine privé ainsi que les ouvrages ou installations utiles à leur aménagement, fonctionnement ou gestion.
En ce qui concerne plus particulièrement les trottoirs, la Loi sur les compétences municipales énonce, à l’article 78, que toute construction ou réfection d’un trottoir doit être faite de manière à en faciliter l’accès aux personnes handicapées.
Ainsi, en plus de disposer des compétences nécessaires pour aménager des parcours sans obstacles dans les espaces publics extérieurs qui relèvent de leurs responsabilités et pour règlementer en cette matière, les instances municipales sont également tenues de prévoir l’accessibilité aux personnes handicapées lorsqu’elles interviennent sur les trottoirs. Le contenu du présent recueil vise à les soutenir à cet effet afin que l’ensemble de leurs interventions puissent contribuer à aménager des espaces extérieurs accessibles à toute la population.
[1] QUÉBEC [s.d.], Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, article 10, Québec, Éditeur officiel du Québec, [En ligne].
[2] QUÉBEC [s. d.], Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ., c. C-12, article 15, Québec, Éditeur officiel du Québec, [En ligne].
[3] Pour plus d’information concernant l’approvisionnement accessible, consultez le site Web de l’Office : www.ophq.gouv.qc.ca.
[4] QUÉBEC (2009), À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité : politique gouvernementale pour accroître la participation sociale des personnes handicapées, [En ligne].
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Mise à jour : 21 août 2024