Cette section contient des informations utiles permettant de bien saisir l’importance d’aménager des parcours sans obstacles pour favoriser les déplacements des personnes handicapées. Elle explique également comment les organisations peuvent intégrer l’approche inclusive dans leurs processus décisionnels, que ce soit avant, pendant ou après la réalisation d’un projet. Enfin, elle présente certaines données anthropométriques relatives aux utilisateurs d’aide à la mobilité qui pourront être utiles aux organisations.
L’aménagement d’un parcours sans obstacles dans les espaces publics extérieurs permet de favoriser la participation sociale des personnes handicapées en réduisant ou éliminant les obstacles à leurs déplacements. La Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (la Loi) définit une personne handicapée comme étant « toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes »[5]. L’incapacité peut être motrice, intellectuelle, sensorielle, être associée à des fonctions organiques ou, encore, à un trouble du spectre de l’autisme ou à un trouble grave de santé mentale [6]. Il est important de mentionner que ce ne sont pas seulement les personnes ayant des incapacités motrices qui rencontrent des obstacles ne leur permettant pas de se déplacer de façon autonome et sécuritaire. Des personnes ayant d’autres types d’incapacités sont également susceptibles de rencontrer de tels obstacles, notamment les personnes ayant une incapacité visuelle et les personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme.
Outre les personnes handicapées, d’autres sont également sujettes à rencontrer des obstacles lorsqu’elles se déplacent dans les espaces publics extérieurs. Il peut s’agir de personnes aînées ou en perte d’autonomie, de personnes ayant une incapacité temporaire en raison d’une maladie ou d’une blessure ou même d’enfants et de certaines femmes enceintes. Les parents qui se déplacent avec un enfant dans une poussette, les personnes qui doivent se déplacer avec de l’équipement ou du matériel, comme des bagages ou un chariot de livraison par exemple, et, en fait, toute personne dont la capacité à se déplacer est affectée peuvent également être considérés comme étant des personnes dont la mobilité est réduite.
Bien que ce recueil s’intéresse plus particulièrement aux éléments à considérer pour rendre accessible aux personnes handicapées les espaces publics extérieurs, il ne faut pas négliger le fait que les efforts réalisés à cet effet profiteront à l’ensemble de la population.
Que ce soit pour étudier, pour travailler, pour s’adonner à des activités récréatives ou pour réaliser d’autres habitudes de vie, une personne doit généralement sortir de chez elle, se déplacer vers l’endroit où a lieu son activité et éventuellement revenir à son domicile.
Pour ce faire, cette personne doit nécessairement transiter par différents espaces publics extérieurs. Ceux-ci peuvent être définis comme étant l’ensemble des espaces ouverts, d’utilité commune, se trouvant à l’extérieur des édifices. Cela comprend donc la voirie, incluant le réseau routier, les trottoirs et les autres infrastructures de transport actif comme les pistes cyclables ou multifonctionnelles. Les lieux publics tels que les places publiques, les parcs et les autres espaces verts sont également considérés comme des espaces publics extérieurs.
L’ensemble des infrastructures publiques et les moyens de transport, public ou privé, utilisés pour réaliser un déplacement forment une chaîne de déplacements qui permet de relier un point d’origine à une destination. Comme llustré dans la mise en situation qui suit, il suffit qu’un seul maillon de cette chaîne ne soit pas accessible pour que l’ensemble du déplacement soit compromis.
Une personne quitte son domicile, emprunte le trottoir et se rend à l’arrêt de transport en commun le plus près. Après quelques minutes d’attente, elle monte dans le véhicule qui doit la conduire à proximité de son lieu de travail. Lorsqu’elle en descend, elle doit traverser une grande intersection pour se rendre à sa destination. Après sa journée de travail, elle se rend dans un parc situé à proximité pour rejoindre des amis. Elle emprunte alors de nouveau les trottoirs, traverse d’autres intersections et utilise le sentier piétonnier aménagé dans le parc jusqu’à son point de rendez-vous. Enfin, elle retourne à son domicile en utilisant une fois de plus le transport en commun.
Pour une personne sans incapacité, il s’agit d’un déplacement plutôt habituel qui peut être réalisé sans problèmes. Cependant, comme l’illustre le schéma suivant, différents obstacles peuvent briser la chaîne de déplacements d’une personne handicapée.
Pour favoriser l’aménagement de parcours sans obstacles, les municipalités, les autorités organisatrices de transport (AOT) ainsi que les ministères et organismes concernés doivent intégrer l’approche inclusive dans leurs processus décisionnels. Ceci implique de tenir compte des besoins des personnes handicapées avant, pendant et après la réalisation d’un projet ou de toute initiative en matière d’aménagement du territoire.
La prise de décision doit être précédée d’un diagnostic du site ou du territoire visé. Ceci permet d’obtenir un portrait global de ses composantes qui prend en considération l’utilisation prévue, les interrelations possibles entre les lieux et les utilisateurs de même que les enjeux et les priorités répondant le mieux au contexte et aux besoins de la population. Une étude de faisabilité peut également contribuer à clarifier les impacts et les ressources nécessaires à la réalisation d’un projet. Il est en effet important que les projets d’aménagement soient cohérents avec l’environnement dans lequel ils seront mis en place de façon à permettre une utilisation similaire par l’ensemble des citoyens, qu’ils aient ou non des incapacités. Certains projets peuvent également nécessiter la participation de différentes organisations ayant des responsabilités semblables dans des territoires voisins. Des mesures favorisant l’harmonisation des pratiques peuvent alors être envisagées.
Pour la réalisation d’un diagnostic et la recherche de solutions inclusives, l’expertise de certains partenaires peut être mise à contribution. Les organisations de transport en commun ou adapté, les organismes communautaires représentant les personnes handicapées, à mobilité réduite ou d’autres types d’usagers en situation de vulnérabilité de même que des spécialistes provenant du réseau de la santé et des services sociaux sont des partenaires potentiels qui devraient être consultés. Ceci favorisera l’identification des obstacles susceptibles d’être rencontrés par les différents types d’usagers et la prise en compte de leurs besoins spécifiques.
Par ailleurs, dans le cas d’un projet d’envergure nécessitant la planification d’ensemble d’un parcours sans obstacles, il peut être intéressant de mettre sur pied un comité consultatif formé de citoyens, de représentants de certains groupes de population, de spécialistes en orientation et en mobilité ainsi que de professionnels en aménagement qui seront mis à contribution dès le début du projet et aux étapes charnières.
Dans une perspective de cohérence, les orientations issues des différentes politiques ou des différents programmes municipaux (politiques familiales, démarches Municipalité amie des aînés, politiques d’accessibilité universelle, etc.) devraient être considérées dans la réflexion préalable aux interventions. Les municipalités dotées d’un plan d’action à l’égard des personnes handicapées peuvent également utiliser ce dernier pour mettre en place des mécanismes de concertation interne entre les différentes directions ou services afin de favoriser la prise en compte des besoins des personnes handicapées à tous les niveaux.
À propos de l’harmonisation des pratiques
L’établissement de mécanismes de concertation entre deux municipalités avoisinantes ou avec le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), dans le cas de routes nationales ou régionales qui traversent le territoire d’une municipalité, peut s’avérer nécessaire afin d’harmoniser les pratiques sur un territoire donné. La mise en place d’infrastructures similaires ou l’harmonisation des pratiques (telle l’adoption de limites de vitesse uniformes) dans des environnements routiers contigus permettent d’assurer la continuité de la chaîne de déplacements et favorisent l’adoption de comportements favorables à la sécurité des usagers. Pour ce faire, l’établissement de mécanismes de collaboration entre les différents partenaires concernés devrait être considéré.
De plus, l’harmonisation des pratiques permettra d’assurer une facilité de déplacements entre les différents lieux générateurs de déplacements (commerces, écoles, services de santé, équipements de loisir, etc.) et les quartiers résidentiels. Les efforts sont donc à poursuivre au sein des zones périurbaines ou rurales. La mise en place de mesures visant à assurer l’intermodalité et l’interconnexion des services de transport devrait également être envisagée.
Malgré l’absence d’une législation ou d’une règlementation relativement à l’accessibilité des espaces publics extérieurs et la conception sans obstacles des aménagements publics extérieurs, diverses normes, exigences ou outils sont en vigueur actuellement au Québec en lien avec l’accessibilité.
La collection des Normes - Ouvrages routiers produite par le MTMD contient des normes minimales à respecter pour tous les projets réalisés sur son réseau. Les municipalités peuvent également utiliser ces normes dans les projets qui relèvent de leurs compétences. La norme 1809-500 Trottoirs et bordures en béton du Bureau de normalisation du Québec (BNQ) contient également des éléments plus spécifiques concernant l’accessibilité des trottoirs.
Le Code de construction du Québec comprend les normes de construction sans obstacles visant à assurer une accessibilité minimale des bâtiments assujettis aux personnes handicapées. Pour en faciliter la compréhension et l’application, ces exigences règlementaires sont expliquées à l’aide d’exemples et d’illustrations dans le Guide d’utilisation des normes de conception sans obstacles produit par la Régie du bâtiment du Québec (RBQ). Bien qu’il vise principalement l’accessibilité des bâtiments, certains éléments peuvent être appliqués aux aménagements extérieurs.
La norme B651, intitulée Conception accessible pour l’environnement bâti, élaborée par l’Association canadienne de normalisation (Groupe CSA) va plus loin et énonce, à l’intention des organisations qui souhaitent s’y conformer, des exigences relatives à l’accessibilité et à la sécurité des bâtiments et de l’environnement extérieur bâti utilisés par des personnes ayant des incapacités.
Ces ouvrages contiennent notamment des éléments forts pertinents qui peuvent soutenir les municipalités dans le cadre de leurs démarches visant à améliorer l’accessibilité de leur territoire. Cependant, ils ne permettent pas, à eux seuls, d’aménager des espaces publics extérieurs accessibles à l’ensemble de la population, incluant les personnes handicapées, d’où l’importance de poursuivre les travaux visant à améliorer l’encadrement législatif ou règlementaire relatif à la conception sans obstacles des aménagements extérieurs. Les instances municipales, les ministères et les autres organismes qui interviennent dans les espaces publics extérieurs sont donc invités à aller plus loin en s’inspirant des éléments à considérer et des références présentées dans ce recueil, de façon à offrir des espaces publics extérieurs accessibles à l’ensemble de leurs citoyens, incluant les personnes handicapées.
De plus, comme mentionné précédemment, la consultation de partenaires externes ayant des expertises connexes tout au long de la réalisation du projet est une bonne façon de s’assurer qu’un projet propose des solutions cohérentes aux tendances observées sur le terrain et réponde aux besoins de tous les groupes d’utilisateurs, dont les personnes handicapées.
Une fois l’aménagement implanté ou le projet réalisé, il importe de s’assurer que celui-ci demeure accessible. L’entretien des infrastructures favorisera un accès et une utilisation sécuritaires des voies de circulation, des trottoirs, des voies cyclables et des sentiers, en particulier en période hivernale. De même, un mobilier urbain et des équipements de signalisation règlementaires, inspectés et entretenus sur une base régulière, seront davantage fonctionnels et visibles. L’utilisation d’indicateurs qui permettent de mesurer l’état des infrastructures et de planifier l’entretien est fortement recommandée.
Les municipalités peuvent aussi mettre de l’avant des actions de sensibilisation pour favoriser une utilisation sécuritaire des infrastructures publiques extérieures et pour encourager la cohabitation harmonieuse entre les différents types d’usagers. Ces actions périodiques peuvent souvent être réalisées en collaboration avec différents partenaires (ministères, réseau de la santé, réseau de l’éducation, organismes communautaires, citoyens) et devraient être destinées à tous les usagers des voies de circulation. Ce type de mesures devrait surtout être envisagé lors de l’implantation de nouvelles pratiques en matière d’aménagement ou de nouvelles règles de circulation. Les plans d’action annuels à l’égard des personnes handicapées sont également de bons outils pour planifier de telles mesures.
Les rues complètes visent un partage sécuritaire de la chaussée et une cohabitation harmonieuse entre les automobilistes, les véhicules de transport collectif, les cyclistes et les piétons, qu’ils aient ou non des incapacités. Cette nouvelle façon de faire, mise en application aux États-Unis et au Canada, illustre bien les principes de l’approche inclusive. Loin d’être conçue en fonction d’un modèle unique, une rue complète tient compte des caractéristiques de la municipalité, de la vocation de la rue et des besoins de tous les usagers. Ses aménagements et infrastructures doivent être compatibles avec la vocation du quartier afin de permettre des cheminements continus à travers toute la chaîne de déplacements.
D’une façon générale, ce concept tend à rééquilibrer et à optimiser le partage de la route entre les différents modes de transport, en fournissant des réseaux propres aux piétons, aux cyclistes, aux véhicules de transport collectif et aux automobilistes. Il accroit ainsi la sécurité des usagers, particulièrement en période de fort achalandage.
Pour en savoir plus sur les rues complètes, consultez les références suivantes :
Les données anthropométriques présentées ici fournissent des dimensions de base établies pour les personnes qui utilisent différentes aides techniques dans leurs déplacements. Elles peuvent être utiles lors de la conception d’un projet d’aménagement, car elles permettent de prendre en considération les caractéristiques de ces personnes.
Cependant, afin d’agir en concordance avec l’approche inclusive, il ne faut pas perdre de vue qu’une partie de la population peut présenter des caractéristiques se situant en dehors des données présentées ni oublier que les aides techniques sont sujettes à évoluer avec le temps.
De plus, il n’y a pas de consensus international relativement aux données anthropométriques. Plusieurs pays ont établi leurs propres normes et elles diffèrent, parfois même considérablement, les unes des autres[7]. Il arrive aussi que d’autres organisations développent et proposent leurs propres données anthropométriques qui peuvent elles aussi suggérer des mesures différentes pour un même élément.
Ainsi, les données anthropométriques doivent être utilisées avec précaution et, lorsqu’ils sont confrontés à des données différentes, les intervenants sont invités à choisir, lorsque le contexte le permet, celles qui sont à l’avantage des personnes handicapées. Par exemple, en présence de deux données différentes spécifiant la largeur nécessaire pour permettre la circulation d’un fauteuil roulant, choisir la plus grande assurera une meilleure accessibilité.
Au Canada, le Groupe CSA propose, dans sa norme Conception accessible pour l’environnement bâti, un vaste éventail de données anthropométriques concernant les utilisateurs d’aides à la mobilité. Vous trouverez ici, à titre indicatif, certaines données extraites de cette norme qui peuvent être utiles dans le cadre de l’aménagement d’un parcours sans obstacles.
Aides techniques | Surface au sol minimale nécessaire |
---|---|
Un fauteuil roulant manuel | 800 mm sur 1 350 mm |
Un fauteuil roulant électrique | 800 mm sur 1 500 mm |
Une autre aide à la mobilité motorisée (triporteur, quadriporteur) | 800 mm sur 1 500 mm |
Aides techniques | Largeur minimale nécessaire |
---|---|
Des béquilles | 920 mm |
Une canne blanche[9] | 900 mm à 1 600 mm |
Un chien guide | 1 200 mm |
Une marchette ou un ambulateur | 635 mm |
Un fauteuil roulant manuel | 800 mm |
Un fauteuil roulant électrique | 800 mm |
Une autre aide à la mobilité motorisée (triporteur, quadriporteur) | 800 mm |
Aide technique | Diamètre minimal nécessaire |
---|---|
Un fauteuil roulant manuel | 1 700 mm |
Un fauteuil roulant électrique | 2 250 mm |
Une autre aide à la mobilité motorisée (triporteur, quadriporteur) | 3 150 mm |
Type de dégagement | Hauteur libre, mesurée à partir du sol |
---|---|
Dégagement vertical minimal | 2 050 mm |
Hauteur de l'élévation | Pente |
---|---|
0 à 6 mm | Peut être verticale |
7 à 13 mm | 1:2 (50 %) |
Plus de 13 mm | 1:12 (8 %) |
Type de dimension | Dimension nécessaire |
---|---|
Hauteur | 685 mm |
Largeur | 800 mm |
Profondeur | 480 mm |
Type de hauteur d'atteinte (portée) frontale | Hauteur mesurée à partir du sol |
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Maximale | 1 200 mm |
Minimale | 400 mm |
Type de hauteur d'atteinte (portée) latérale | Hauteur mesurée à partir du sol |
---|---|
Maximale | 1 400 mm |
Minimale | 230 mm |
[5] QUÉBEC (2005), Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, RLRQ, c. E-20.1, article 1g, Québec, Éditeur officiel du Québec, [En ligne].
[6] Pour plus de détails sur la définition de personne handicapée, consultez le lien suivant : https://www.ophq.gouv.qc.ca/loi-et-politiques/loi-assurant-lexercice-des-droits-des-personnes-handicapees/definition-personne-handicapee.html
[7] Pour plus d’information à ce sujet, consultez le document suivant : COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE (2006). Pratiques exemplaires de conception universelle à l’échelle internationale, [En ligne], Ottawa, 219 p.
[8] Source : ASSOCIATION CANADIENNE DE NORMALISATION (2019). B651-18 : Conception accessible pour l’environnement bâti, Groupe CSA, Annexe A, p 206-225.
[9] Pour les personnes qui utilisent une canne blanche, cette donnée fait référence à la largeur qu’elles peuvent couvrir lorsqu’elles effectuent des balayages avec leur canne. Il s’agit donc de la largeur à l’intérieur de laquelle elles sont en mesure de repérer des obstacles situés au sol.
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Mise à jour : 21 août 2024