Bien que le réseau routier soit essentiellement destiné à la circulation des véhicules motorisés, d’autres utilisateurs, comme les piétons ou les cyclistes, peuvent y circuler occasionnellement ou régulièrement, notamment en raison de l’absence d’une autre option plus sécuritaire. De plus, même en présence de voies dédiées, comme un trottoir ou une piste cyclable, celles-ci sont habituellement situées à proximité du réseau routier. Cette proximité peut également affecter la sécurité des piétons, particulièrement celle des personnes handicapées. Ces dernières, dépendamment de leurs incapacités, peuvent se retrouver en situation de vulnérabilité lorsqu’elles circulent sur le réseau routier ou à proximité de celui-ci. Différents éléments doivent donc être pris en considération afin de favoriser une cohabitation harmonieuse et sécuritaire entre les différents usagers du réseau routier, dans une perspective de parcours sans obstacles.
Cette section aborde les caractéristiques du réseau routier qui peuvent avoir un impact sur la mobilité des personnes handicapées ainsi que les principaux aménagements modérateurs de vitesse. De nouveaux concepts d’aménagement de voies de circulation sont également abordés, car leur utilisation nécessite une attention particulière.
À propos du principe de l’usager en situation de vulnérabilité
La protection de l’usager en situation de vulnérabilité est le principe à la base de l’Approche systémique en sécurité routière qui est de plus en plus répandue dans les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Selon ce principe, le système doit être conçu en fonction des besoins de l’usager qui a le moins de protection[12].
L’aménagement du réseau routier devrait privilégier les besoins des usagers en situation de vulnérabilité afin de créer des environnements plus sécuritaires qui favorisent les déplacements actifs. Les caractéristiques d’une rue, d’un boulevard ou de toute autre composante du réseau routier doivent également être déterminées en prenant en considération différents éléments, notamment : la fonction qui lui est attribuée (résidentielle, commerciale, de services, etc.), le débit de circulation anticipé, le rôle occupé dans le réseau (circulation locale seulement ou circulation de transit) et les types d’utilisateurs susceptibles d’y circuler.
Références générales concernant les caractéristiques des trottoirs :
En l’absence de trottoir, la présence d’un accotement d’une largeur suffisante, pavé ou aménagé, permet aux piétons, aux utilisateurs d’aides à la mobilité motorisées et aux cyclistes de poursuivre leur parcours. Pour leur offrir plus de sécurité, il est recommandé de délimiter les accotements par un marquage au sol ou de les séparer des voies de circulation en installant, par exemple, des bornes de protection à intervalles réguliers. En milieu rural, des accotements aménagés favoriseront également l’accès aux noyaux villageois.
De nombreuses combinaisons de facteurs, notamment le débit et la vitesse de la circulation ainsi que la présence d’entrées ou de carrefour, font en sorte que ce type d’aménagement peut être valable à certains endroits et non recommandable à d’autres. Une étude préalable en ce sens permettra de retenir une solution optimale en fonction des caractéristiques du milieu.
Autres éléments à considérer en lien avec les accotements :
Références générales concernant les accotements :
La largeur de la chaussée contribue à définir l’utilisation de l’espace et a un impact sur la sécurité des piétons. Diminuer la largeur de la chaussée, notamment aux intersections, permet de traverser plus rapidement et de manière plus sécuritaire. De plus, une chaussée devenue plus étroite, par exemple à l’entrée d’un noyau villageois ou d’un quartier résidentiel, crée un effet d’entonnoir qui incite les conducteurs de véhicules motorisés à diminuer leur vitesse, augmentant du coup la sécurité des piétons.
Autres éléments à considérer en lien avec la largeur de la chaussée :
Une vitesse de circulation modérée améliore la sécurité routière en accordant plus de temps aux conducteurs pour réagir et en réduisant la gravité des blessures en cas de collision[13]. Il en résulte une meilleure cohabitation des différents usagers, une diminution de la pollution sonore et de l’air ainsi qu’une réduction du stress potentiel des piétons et cyclistes.
Lorsque la vitesse de circulation est incompatible avec l’environnement ou est identifiée comme source d'insécurité, les municipalités peuvent en réduire la limite en suivant la procédure prévue dans le Code de la sécurité routière[14]. Pour favoriser un meilleur partage de la route et pour améliorer la sécurité des usagers en situation de vulnérabilité, la diminution de la limite de vitesse peut être jumelée à des aménagements modérateurs de vitesse. Cette association favorisera aussi un meilleur respect de la limite de vitesse imposée.
Autres éléments à considérer en lien avec les limites de vitesse :
Références spécifiques concernant les limites de vitesse :
Le marquage au sol complète les indications fournies par les panneaux de signalisation et les signaux lumineux et sert à délimiter les parties de la chaussée réservées aux différentes voies de circulation ou à certains types d’usagers. Il est également utilisé pour identifier les passages pour piétons. Le marquage au sol doit être de couleur contrastante avec la chaussée et une attention particulière doit être accordée à son entretien.
Référence spécifique concernant le marquage au sol :
Autres éléments à considérer en lien avec le marquage au sol :
La qualité du revêtement des voies de circulation et des infrastructures piétonnières et cyclables est importante pour les déplacements actifs et sécuritaires de tous, et particulièrement pour les personnes se déplaçant en fauteuil roulant. La surface idéale est ferme, uniforme et antidérapante afin de minimiser l’effort requis pour y circuler; elle est également facile à déneiger et à déglacer.
Référence spécifique concernant le revêtement de la chaussée :
Autre élément à considérer en lien avec le revêtement de la chausée :
De nombreuses municipalités, notamment en milieu rural, mais également en milieu urbain et périurbain, sont traversées par une route nationale, régionale ou collectrice, nommée traversée d’agglomération. Un haut débit de circulation de transit interfère alors avec le milieu de vie local, ce qui crée des points de conflits potentiels entre les différents types d’usagers et augmente les risques d’accident, particulièrement pour les piétons en situation de vulnérabilité comme les personnes handicapées, les personnes aînées ou les enfants. Le gestionnaire de réseau municipal devrait alors, en collaboration avec les autres instances provinciales ou fédérales concernées, prévoir des aménagements permettant à l’ensemble de la population de circuler le long de ces artères et de les traverser de façon plus sécuritaire. Ceci facilitera également l’accès aux commerces et aux services de proximité qui y sont offerts.
Plusieurs éléments sont à prendre en considération pour assurer la sécurité et l'accessibilité au plus grand nombre de piétons le long de ces routes. La réalisation d’une étude de sécurité devrait être envisagée afin d’identifier les aménagements à mettre en place pour améliorer la sécurité des piétons et d’évaluer leur efficacité. Le rétrécissement des voies, l’implantation de passages pour piétons en nombre suffisant, idéalement avec feux de circulation et décomptes piétonniers, et d’autres types d’aménagements modérateurs de vitesse contribueront à améliorer la sécurité de certaines portions de route.
Autres éléments à considérer en lien avec les traversées d’agglomération :
Références spécifiques concernant les traversées d’agglomération :
La sécurité des piétons qui se déplacent à proximité du réseau routier dépend grandement de la vitesse à laquelle les véhicules motorisés y circulent. Afin d’appuyer les limites de vitesse établies et d’inciter les conducteurs à les respecter, différents aménagements modérateurs de vitesse peuvent être mis en place. Pour assurer leur efficacité, leur implantation doit se faire selon une vision d’ensemble des déplacements sur tout le réseau et pour tous les usagers et à l’échelle des quartiers. De plus, les aménagements modérateurs de vitesse choisis ne doivent pas compromettre la mobilité ou la sécurité des piétons, notamment ceux qui utilisent des aides à la mobilité ou qui ont une incapacité visuelle.
À propos de l’impact de la vitesse en cas d’accident
L’accroissement de la vitesse augmente les risques d’accident et leur gravité. Lors d’un impact à 30 km/h, le taux de décès des piétons est de 10 %, tandis qu’il est au-delà de 75 % à une vitesse d’impact de 50 km/h[15]. La Société de l’assurance automobile du Québec estime d’ailleurs qu’en moyenne au Québec, de 2011 à 2015, 35 % des décès et 29 % des blessés graves survenus dans des accidents de la route mettaient en cause la vitesse.
Références générales concernant les aménagements modérateurs de vitesse :
Le dos d’âne allongé est sans doute l’un des aménagements modérateurs de vitesse les plus efficaces et les plus répandus. Ses pentes progressives et sa longueur, généralement supérieure à l’empattement d’une voiture, forcent les conducteurs à ralentir. Il peut par contre devenir un obstacle pour les personnes qui utilisent un fauteuil roulant ou une aide à la mobilité motorisée. Il est important de conserver un espace sur la chaussée qui permettra à ces utilisateurs de poursuivre leur parcours. Il est également important que le dos d’âne allongé soit accompagné d’une signalisation appropriée.
Autres éléments à considérer en lien avec les dos d’âne allongés :
Références spécifiques concernant les dos d’âne allongés :
Les ilots séparateurs aménagés au centre de la chaussée permettent de séparer les voies de circulation inverses. Lorsqu’ils sont aménagés de façon à réduire la largeur de la chaussée, ils peuvent amener les conducteurs à diminuer leur vitesse. Les ilots séparateurs peuvent également servir de refuge aux piétons lors d’une traversée, sur des artères plus larges ou plus achalandées. Dans ce cas, il est important de s’assurer que leur largeur est suffisante, que des abaissements de trottoirs sont aménagés et que leur revêtement est adéquat afin qu’ils soient accessibles aux personnes handicapées.
Références spécifiques concernant les ilots séparateurs :
Autres éléments à considérer en lien avec les ilots séparateurs :
Réduire la largeur de la chaussée incite généralement les conducteurs à diminuer leur vitesse. Différents aménagements en ce sens peuvent être mis en place sur la chaussée ou aux intersections, comme des avancées de trottoirs ou des chicanes. L’installation de mobilier urbain, comme des bornes ou des aménagements paysagers, en bordure ou au centre de la chaussée peut également contribuer à réduire la largeur de celle-ci. Peu importe le moyen choisi, des précautions doivent être prises pour ne pas nuire à la circulation des piétons. Le corridor libre d’obstacles doit être conservé, et il est important de s’assurer de la visibilité des piétons près des intersections et des passages pour piétons.
Autres éléments à considérer en lien avec la réduction de la largeur de la chaussée :
Inspiré par ce qui est fait ailleurs, les municipalités québécoises sont de plus en plus nombreuses à expérimenter de nouvelles façons d’aménager la rue afin de favoriser la cohabitation entre les différents types d’usagers et de favoriser les modes de déplacement actifs. Ces nouvelles pratiques sont avantageuses à bien des égards, cependant, si certaines précautions ne sont pas prises, elles peuvent devenir des obstacles et même compromettre la sécurité de certaines personnes ayant des incapacités. L’implantation d’une rue partagée ou d’une rue complète doit être réalisée selon une approche inclusive, c’est-à-dire en tenant compte des besoins de l’ensemble des utilisateurs potentiels. La réalisation d’une étude de faisabilité permettra également de prendre en considération les caractéristiques du site ou les habitudes des usagers, ce qui favorisera l’aménagement d’un espace sans obstacles. De plus, il importe de tenir compte des contraintes associées au contexte hivernal qui prévaut au Québec.
Références générales concernant les rues partagées ou les rues piétonnes :
Essentiellement, ce concept fait référence à des rues où les différents types d’usagers, que ce soit des piétons, des cyclistes ou des véhicules motorisés, circulent dans un même espace. Les rues partagées sont habituellement caractérisées par une absence de trottoirs, d’accotements, de passages pour piétons ou de voies cyclables. Aussi, des limites de vitesse très basses et d’autres aménagements modérateurs de vitesse contribuent à contrôler la vitesse des véhicules motorisés. Au cours des dernières années, le concept de rues partagées a été expérimenté par plusieurs municipalités dans le cadre de projets pilotes. En 2018, des dispositions concernant les rues partagées ont été introduites au Code de la sécurité routière[16].
Selon le pays où elles sont aménagées, les rues partagées peuvent avoir différentes appellations. Aux Pays-Bas, le concept de « woonerf » fait surtout référence à des rues partagées qui sont implantées dans des quartiers résidentiels. La rue devient alors un espace public à la disposition des résidents du voisinage. Dans d’autres pays, notamment en France et en Belgique, la « zone de rencontre » est un concept de rue partagée aménagée majoritairement dans des rues à vocation commerciale ou touristique afin de favoriser les déplacements des piétons.
Autres éléments à considérer en lien avec les rues partagées :
Les rues partagées sont donc basées sur un principe de partage de la voie publique et sur la priorité qui est accordée aux piétons selon la vocation du quartier. D’un côté, elles peuvent faciliter les déplacements des personnes ayant une incapacité motrice ou de celles considérées comme étant à mobilité réduite. Cependant, elles peuvent avoir un impact négatif sur la circulation de personnes ayant certaines incapacités et même compromettre leur sécurité si les précautions nécessaires ne sont pas prises.
En effet, l’absence de trottoirs signifie également une absence de dénivellation par rapport à la chaussée. Ceci facilite donc la circulation des personnes ayant une incapacité motrice qui ne doivent plus attendre un abaissement de trottoir pour transiter entre le trottoir et la chaussée. Par contre, ceci complique les déplacements des personnes ayant une incapacité visuelle, car ces personnes peuvent avoir de la difficulté à s’orienter dans un espace vaste sans les repères fournis habituellement par les trottoirs. Une circulation routière plus rare et à très basse vitesse les privera également de certains indices sonores qui les aident habituellement à s’orienter.
Des aménagements peuvent être envisagés pour que les rues partagées favorisent les déplacements sécuritaires des personnes handicapées. Ainsi, des dalles podotactiles ou d’autres types d’aménagements repérables à l'aide d’une canne blanche fourniront des repères aux personnes ayant une incapacité visuelle et les aideront à cheminer. Les intersections devraient par ailleurs faire l’objet d’une attention particulière puisqu’elles augmentent le risque de collision avec un véhicule automobile.
Se déplacer dans une rue partagée peut s’avérer complexe et insécurisant également pour d’autres personnes comme celles ayant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme ou encore les enfants et les personnes aînées. Ces personnes ne disposent pas nécessairement des capacités requises pour décoder les intentions des autres usagers de la rue. Sur une rue où les véhicules motorisés circulent dans le même espace que les piétons, ceci peut être problématique. Il est donc recommandé de mettre en place une signalisation adéquate qui identifiera le début et la fin de la rue partagée ainsi que les comportements à adopter. De plus, des mesures visant à modifier les comportements des usagers de la route, comme des campagnes d’information et de sensibilisation, devraient être envisagées.
Références spécifiques concernant les rues partagées :
Les rues piétonnes sont des endroits où la circulation des véhicules motorisés est interdite et où les piétons circulent de façon prioritaire. La circulation des cyclistes est souvent tolérée, mais ces derniers doivent circuler à basse vitesse. Ces rues sont souvent aménagées en milieu urbain, dans des quartiers commerciaux ou touristiques. Elles favorisent ainsi le transport actif et la vie locale, tout en réduisant la pollution, le bruit et les risques d’accident. Les rues piétonnes peuvent être aménagées de façon permanente ou sur une base temporaire.
L’absence de véhicules motorisés contribue à réduire le risque d’accident. Cependant, le manque de repères d'orientation, la présence d’obstacles inhabituels, la forte densité de piétons ou encore un revêtement de sol irrégulier sont tous des éléments qui peuvent devenir des obstacles pour le cheminement et l’orientation des personnes handicapées.
Il importe alors de prévoir différents aménagements qui permettront aux personnes handicapées de s’orienter. La présence d’un corridor rectiligne libre d’obstacles, délimité par des dalles podotactiles est une solution qui devrait être privilégiée. Ce corridor devrait être situé le long des façades, à la manière d’un trottoir, afin d’aider les personnes ayant une incapacité visuelle à s’orienter. De plus, le mobilier urbain devrait être situé à l’extérieur du corridor et être facilement repérable, notamment à l’aide d’une canne blanche. S’il est bien aménagé, ce dernier peut également servir de repère.
Autres éléments à considérer en lien avec les rues piétonnes :
Le début et la fin de la rue piétonne doivent être clairement identifiés. Une attention particulière doit également être accordée aux intersections où la circulation automobile traverse la zone piétonne. La présence d’une rue perpendiculaire doit être soulignée par une signalisation ou un marquage au sol visible. Des dispositifs d’avertissement, comme des dalles podotactiles, doivent également être prévus à l’intention des personnes ayant une incapacité visuelle. Dans le cas d’intersections avec feux de circulation, l’installation de signaux sonores est nécessaire. Le corridor libre d’obstacles pour la circulation des piétons doit également être redirigé vers le trottoir ou vers les passages pour piétons.
Enfin, l’aménagement d’une rue piétonne devrait être accompagné de mesures encourageant la modification du comportement des usagers, comme des campagnes d’information et de sensibilisation.
Références spécifiques concernant les rues piétonnes :
[12] CONSEIL CANADIEN DES ADMINISTRATEURS EN TRANSPORT MOTORISÉ (2013), Mesures de prévention pour assurer la sécurité des piétons, Canada, p. 14. [En ligne].
[13] MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC (2002). Guide de détermination des limites de vitesse sur les chemins du réseau routier municipal. Québec, page 18. [En ligne].
[14] QUÉBEC [s. d.], Code de la sécurité routière, RLRQ, c. C-24.2, Québec, Éditeur officiel du Québec. [En ligne].
[15] MINISTÈRE DES TRANSPORTS DU QUÉBEC (2011). « La modération de la circulation », Bulletin Info DST, Avril 2011, p.1.
[16] QUÉBEC [s. d.], Code de la sécurité routière, RLRQ , c. C-24.2, articles 496.1 à 496.10, Québec, Éditeur officiel du Québec, [En ligne].
Mise à jour : 21 août 2024