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Marie-Sol St-Onge est avant tout une artiste peintre, en plus d’être une illustratrice, auteure, conférencière et… « quadruple amputée », comme elle le souligne elle-même : « ma dernière étiquette, ce n’est pas ma première [Rires] ».
Dans le cadre de la Semaine québécoise des personnes handicapées, Marie-Sol a accepté de s’entretenir avec nous pour nous faire part de son parcours personnel et nous partager son expérience en tant qu’artiste professionnelle.
En 2012, Marie-Sol commençait à peine à réaliser ses objectifs et ses rêves. Son entreprise de peinture artistique, Boutique Les illusarts, créée l’année précédente, étant en plein essor. Dès le départ, elle a réussi à décrocher de beaux contrats et vendait ses œuvres dans plusieurs boutiques du Québec. Est survenu alors un événement qui a changé sa vie : elle contracte la bactérie mangeuse de chair et doit être amputée de ses quatre membres.
« Le choc a été extrêmement difficile, mais en même temps, je ne pouvais pas rester dans le drame, je n’étais pas capable de rester là-dedans. » Elle était ainsi impatiente de se remettre à l’action. Malgré les deuils auxquels elle a dû faire face, elle a décidé de remonter à la surface, comme elle se plaît à illustrer la situation : « Je pense que c’est beaucoup dans l’attitude. Non seulement notre entourage est gagnant quand on fait ce choix-là. Principalement, nous autres mêmes, on est gagnant et on est beaucoup plus heureux, plus rapidement, dans notre petit cœur. »
« L’art est quelque chose qui a toujours fait partie de moi. Ça a toujours été une façon de m’accomplir, de m’épanouir, de me valoriser. Alors c’est clair que d’avoir pu recommencer ça, c’est vraiment au milieu de ma vie, c’est vraiment important pour moi. »
Marie-Sol St-Onge
Depuis cette étape plus difficile de sa vie, Marie-Sol réussit à gagner sa vie par son art, ses conférences et ses divers engagements sociaux. Malgré tout, elle ne demeure pas à l’abri de quelques maladresses. Lors de notre entretien, elle nous raconte une anecdote, concernant la politique du 1 %. Cette politique vise à réserver, pour l’intégration d’une œuvre d’art, une somme du coût total d’un projet de construction obtenant une subvention gouvernementale.
Afin de l’aider, une personne lui aurait proposé de soumettre son nom au fichier des artistes, à partir duquel sont sélectionnées les personnes pouvant proposer des œuvres d’art destinées à être intégrées à ces constructions. Ainsi, Marie-Sol pourrait peut-être être priorisée par rapport aux autres artistes, car elle est une personne handicapée et qu’il s’agit-là d’une « belle étiquette ».
Toutefois, elle pense que cette idée ressemblerait plutôt à un traitement de faveur : « sur le coup, ça m’a semblé une bonne idée, puis ça m’a un peu dérangé! Je ne comprends pas. Pourquoi? Parce que je suis handicapée, je serais une meilleure artiste, puis je serais plus choisie plus rapidement. Bah, je n’en veux pas de faveur à ce niveau-là, je ne veux pas de passe-droit comme ça. Moi je veux simplement que le lieu soit accessible pour que je puisse m’y rendre. C’est tout. »
À travers ses toiles, Marie-Sol, tente de transmettre un message sur la différence, la solitude et l’épanouissement. Toutefois, pour elle, le thème le plus important est la joie de la vie, le bonheur : « Pour ça, je l’ai toujours eu en dedans de moi, la conscientisation de "on a juste une vie, on en profite". Les couleurs sont belles, le ciel est beau. La vie est merveilleuse ».
Souvent, elle explique que les îles qu’on retrouve sur ses toiles sont toujours colorées, car elles symbolisent « ma joie de vivre, mon petit coin de paradis ». Alors que « l’eau et la grisaille environnantes représentent ma solitude, les difficultés ».
Marie-Sol promeut l’aspect thérapeutique de l’art, non seulement pour les personnes handicapées, mais aussi pour tout un chacun. Il s’agit, selon elle, d’une « merveilleuse thérapie, une merveilleuse façon d’occuper ses journées, de s’améliorer, comme n’importe quoi ou n’importe quel travail. C’est franchement sympathique, pour toutes les personnes handicapées et pour toutes les personnes valides aussi ».
Parmi les conseils de Marie-Sol pour les personnes qui sont passionnées ou intéressées par l’art, elle leur conseille clairement de foncer :
« Faut jamais attendre, après, tu sais, de se dire, bon demain, je vais peut-être pouvoir peindre. C’est remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui. Ça, c’est la pire erreur. Il faut se lancer, il faut produire, puis il faut en faire plus. D’ailleurs, j’avoue que le handicap m’a quand même aidé à me trouver une voix, un style, un quelque chose à raconter. Je pense que c’est ça être artiste : c’est d’avoir quelque chose à raconter ».
Une ou un artiste, avec ou sans incapacité, va connaître toutes sortes de difficultés, convient Marie-Sol. Il est donc important, selon elle, d’apprendre à « se laisser aller, faire des expériences et persévérer », puis se dire que c’est de cette façon « qu’on se construit, à sa propre image ».
Pour Marie-Sol, « il n’y a pas de réelle raison » pour s’empêcher de pratiquer un art : « Si on a perdu ses mains, comme ce qui m’est arrivé, eh bien il n’y a pas de limite non plus, à mon avis. Ça prend juste beaucoup de travail ». Il est toujours possible de « faire l’art autrement si on a plus ses mains aussi fonctionnelles qu’avant. Personnellement, je pense qu’il n’y a rien qui nous empêche de devenir artistes. Il suffit d’avoir du talent, de la volonté, du travail, de la motivation ».
Nous avons pu discuter avec Marie-Sol du thème de la Semaine et de sa vision des choses à ce sujet. Voici ce qu’elle nous a répondu :
Qu’est-ce que cela veut dire pour vous qu’une personne handicapée puisse participer à 100 % de ses capacités à la vie en société?
« Je pense que ça veut tout simplement dire de se donner à 100 %. Puis, aller au maximum de ce qu’on est capable d’offrir, parce que bon, il y a toujours une limitation dans le temps. »
À ce propos, quelles seraient vos suggestions à la population pour que toutes et tous puissent contribuer à bâtir une société plus inclusive et ainsi laisser place à 100 % de leurs capacités?
« Bien définitivement, c’est que tous les endroits sans exception soient adaptés. »
« C’est comme de base, je ne comprends même pas pourquoi, des fois, je vais dans des écoles primaires, puis, j’en fais beaucoup là. Et, plus souvent qu’autrement ce n’est pas adapté. Il y a encore des escaliers, il n’y a pas d’entrée adaptée. Pourtant, à l’intérieur, on est capable d’adapter des marches, mettre une pente pour le concierge, qui a sa moppe à déplacer. »
« Pourquoi faire des comptoirs si hauts tout le temps? Tu sais, on ne pense pas aux gens qui sont de petite taille. Il y a tellement moyen de le faire pour que ça ne paraisse même pas, qu’il y a des adaptations, puis qu’en plus tout le monde pourrait les utiliser. Les personnes âgées, les livreurs. »
Pour en savoir plus sur ses œuvres magnifiques : lesillusarts.com.
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